J’ai sous les yeux un amas de disques durs, de cassettes mini-DV, de vidéos tournées avec le téléphone. Des centaines d’heures d’images, captées depuis 1998, plus intensément selon les périodes, au gré des événements importants, des voyages, des décès, des ivresses. Une archive personnelle foisonnante, chaotique aussi. J’y retrouve des fragments de vie, des instants de contemplation où la caméra se pose sur un paysage, des séquences volées au cœur du quotidien familial, des autoportraits tremblants, gênés, embarrassants même, tournés dans l’intimité d’une chambre, des essais esthétiques où je testais des cadres, des matières, des mouvements, les effets techniques d’une nouvelle caméra. Le plus souvent sans narration. Juste capter. Pour voir tomber, pour voir pleurer, grandir, disparaître, filmer l’éphémère.

Pourquoi ces images ? Le besoin de laisser une trace, de raconter mon histoire, d’exprimer une appréhension de la réalité, une mise à distance, l’impossibilité de trouver les bons mots, survivre, vivre, semer. Au fil des années j’ai réussi à faire accepter l’appareil là où je circulais, aux personnes que je rencontrais. De ces images est né un essai cinématographique qui n’a pas abouti Devant moi malgré un premier rough-cut obtenu en 2009. Je me posais en témoin. L’année qui suit j’extrais de ces heures de captation L’Ombre des Arbres n’existe plus (2010), dont le plan séquence central révèle la dispersion des cendres de mon père et de la prise en charge d’un patrimoine familial. Aujourd’hui, l’idée me traverse d’en faire quelque chose. Un film ? Une installation ? Un journal éclaté ? J’ignore encore la forme, je me laisse d’abord happer par la matière brute. Je redécouvre ces moments avec la distance du temps, avec une tendresse teintée de doute et d’ironie. Certaines images me semblent appartenir à quelqu’un d’autre, d’autres réveillent des souvenirs vifs, intacts.

Ce projet, s’il en devient un, parlera peut-être de la mémoire, du regard que l’on porte sur son propre passé, sur ce qu’on a choisi de filmer sans raison. J’avance à tâtons, je visionne, je prends des notes. Peu à peu, un fil pourrait émerger, une ligne qui relierait ces instants épars. Pour l’instant, il s’agit surtout d’un dialogue avec ces images dormantes, une tentative de comprendre ce qu’elles disent encore, et ce que je peux en faire aujourd’hui. Pour l’instant, j’en partage quelques-unes.

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